mise à jour : 29 mai 2000 | GRAND FRAIS SUR BERNIERES ÉVÈNEMENT DU 12 OCTOBRE 1997 Comme on le sait, l'association Bernières Météo est férue de vent de tempête, de mer démontée, de pluie diluvienne, de température sibérienne, de catastrophe naturelle de toute sorte, non pas à cause d'un attrait romantique pour les forces de la nature, non pas par goût du spectacle, mais plutôt par l'impatience de voir toujours de nouveaux records balayer ceux du passé. Pour Bernières-Météo, il faut que ça déménage Heureusement, rares sont les années où l'on n'assiste pas à Bernières à une bonne tempête. Les dernières années qui ont vu les vents de nord-est prédominer ont apporté des tempêtes où la mer était partie prenante, à notre grand bonheur. Pourtant, nous sommes conscients des dégâts que peuvent occasionner ces événements exceptionnels, et des préjudices pour les Bernièrais. Ainsi l'année dernière, une habitante de Bernières nous a-t-elle contacté : son toit venait d'être emporté par le vent, et les compagnies d'assurance ne prenant en charge ces dommages qu'à partir d'une vitesse du vent de 100 km/h, cette dame voulait savoir combien nous avions relevé à notre station de mesure. Hélas, nous avons dû lui dire que notre capteur avait mesuré une vitesse de vent en deçà de la limite fatidique. De toute façon, malheureusement, notre station n'étant pas homologuée par Météo-France, les informations qu'elle relève ne peuvent pas servir de preuve pour les assurances. Nous nous proposons dans cet article de nous pencher sur la tempête du 12 octobre 1997, à travers des mesures de pression, de vitesse et de direction du vent et de température, relevées à Bernières. Le 1er diagramme montre l'évolution de la pression atmosphérique (en hectoPascal (hPa), 1 hectoPascal » 1 milliBar). Cette variable est fondamentale pour analyser la situation météorologique du moment. Cependant, contrairement à ce qui est inscrit sur les baromètres, une mesure ponctuelle ne permet pas de prévoir le temps. Pour cela, il faut regarder l'évolution de la pression. Si celle-ci baisse, une dépression arrive et en général du mauvais temps. Si elle augmente, un anticyclone reviens et avec lui le beau temps, quoique ceci reste très général. Ce qu'il est difficile de lire sur les baromètres classiques devient facile avec un enregistreur comme celui de notre station de mesure. Ainsi, cette figure montre le passage de 2 minimum (2 dépressions) : le 7 et le 12 octobre, qui encadrent une période elle-même de relativement basse pression (la notion de basse ou de haute pression se réfère à la valeur moyenne de l'atmosphère, qui est de 1013 hPa, mais aussi de la moyenne relativement à la période considérée). A nos latitudes, la baisse puis la remontée de la pression telle que le diagramme de pression le présente dans les journées du 11 et du 12 signifie le passage d'un "front froid", élément du système dépressionnaire. Un front froid est la limite entre de l'air chaud précédant de l'air froid. Il passe au moment où la pression est minimale, donc, à Bernières, le 12 un peu après 0 h. La rapidité de la variation de la pression est également un indicateur de la sévérité de la dépression. Plus la baisse est rapide, plus la dépression est "creuse". Les marins le savent du reste très bien, et vérifient en permanence l'évolution de la pression afin qu'en cas de baisse rapide ils aient le temps de gagner un abris. Sur la figure, on voit que les deux dépressions présentent une amplitude assez importante, plus la première (28 hPa) que la seconde (18 hPa), mais c'est dans la seconde que la baisse est la plus rapide puisque dans la journée du 11, la pression chute de 1018,6 hPa vers 0h à 1002,6 hPA le 12 vers 0 heure, soit une baisse de 0,66 hPa par heure. On pouvait donc s'attendre à un événement important. Lors de la tristement célèbre course du Fastnet de 1979, où une tempête en mer d'Irlande décima la flotte de voiliers en course, faisant de lourd dégâts humains, la dépression avait présenté une chute de pression à une vitesse de 2 hPa par heure ! Ce n'est pas la valeur, si basse soit-elle de la pression qui provoque la forte vitesse du vent, mais la rapidité de sa variation. On peut lire sur la deuxième figure, celle qui indique la vitesse du vent, que dans la journée du 11, au moment de la baisse de pression, le vent monte, passant de 5 à 15 nd. Le 11 au soir, la pression présente un palier, la vitesse du vent également. Mais c'est le plus souvent derrière le front froid que la vitesse du vent est la plus forte. C'est pourquoi la baisse de pression ne fait qu'annoncer le "coup de tabac" qui a lieu après le minimum de pression, c'est à dire après le passage du front. Selon la figure, le front froid passe le 12 au matin, et la pression remonte brutalement, passant de 1001,2 hPa à 1011,9 hPa entre 3h et 7h du matin, soit une augmentation de 2,65 hPa par heure : presque 4 fois plus rapide que la baisse précédente. La vitesse du vent (cf. 2ème figure), qui est comme on l'a dit corrélée à la vitesse de variation de la pression, augmente alors brutalement jusqu'à 31,3 nd à 5h, soit force 7 (Grand Frais) sur l'échelle de Beaufort, avec des rafales à 43,5 nd. Ce renforcement radical du vent est aussi visible lors du 1er épisode dépressionnaire, dans la journée du 7, mais en moins accentué. La troisième figure montre la direction du vent au cours des 15 premiers jours d'octobre. Elle permet de confirmer les déductions établies précédemment. Au passage d'un front froid, il se présente comme une discontinuité dans la direction du vent : elle change brutalement, en passant grossièrement de sud-ouest à nord-ouest. On parle de "bascule" du vent. Mais ceci est le cas général et dans la réalité, les choses sont souvent moins nettes, chaque situation étant unique. On voit qu'à Bernières, à partir de la journée du 6, le vent est de secteur ouest, fluctuant de sud à nord-ouest, jusqu'au 11 au soir. C'est au moment où le front froid passe sur Bernières, au matin du 12, que le vent "bascule" d'ouest à nord, brusquement, exactement en même temps que le pic de vitesse. Enfin, la quatrième figure fournit la température. Elle montre la baisse de la température après le passage du front, le 12 au matin. En effet, cette variable qui suivait dans les journées précédentes un cycle diurne centré sur une valeur d'environ 15°C, subit un changement de rythme au moment du passage du front, en restant pendant la journée du 12 à la température de la nuit précédente, et amorçant à partir de ce moment une baisse régulière. Il faut voir là le changement de masse d'air qui intervient, les vents de nord amenant un air froid descendu du pôle. A travers cet exercice, on voit donc comment il est possible de suivre l'évolution d'une situation météorologique générale grâce à des informations locales obtenues par des mesures, et même de faire certaines déductions. En guise de conclusion, on donne une photo prise par un satellite défilant (Type NOAA) le 11 octobre à 13h 28. Enfin, parce que la sécurité est primordial, on n'hésitera pas avant de sortir en mer de consulter la prévision marine dont on rappelle le numéro : 08-36-68-08-08. |